Je
me souviens, il va y avoir trente ans, j'avais écrit dans ce journal
où je me sentais si bien, dans un rugby à taille humaine (je veux
dire musculairement et financièrement) et qui plus est à Hyères,
celui de Véran -ne pas confondre-, j'avais écrit un joli papier :
« Etienne Bouquet va bien, il vit à Collobrières ». Je
connaissais encore mal Nicole, ma collègue d'écriture et de cuisine
(rien que ça !), qui allait former avec mon cher Etienne, un
vrai couple d'amis.
Entre
1986 et 2009 j'y ai traîné ma famille, mes potes pour leur faire
découvrir ce petit coin de rien de tout. Gigantesque de
convivialité, de saveurs, de valeurs. On vénérait les Maures... autant que les vivants. Souvent on arrivait d'ailleurs de Notre Dame des Anges, perchée au paradis, histoire de se faire beaucoup pardonner de ce rendez-vous chez Epicure. On y a passé des soirées
épiques où on finissait toujours par voir la vie en rose et même
en rosé...
Je
me souviens aussi d'une interview tardive de Michel Malinowsky, le
navigateur célèbre pour avoir perdu la route du Rhum de 98
secondes, après avoir fait la course en tête et avoir vu revenir
sur lui cet « enfoiré » de Mike Birch. Michel ne s'en
était jamais bien remis et c'était auto-psychanalysé dans un joli
bouquin « Seule la victoire est joli ». Henri Allongue
qui avait navigué en sa compagnie s'était lié d'amitié et c'est à
l'initiative d'Etienne que nous avions partagé ce merveilleux
moment . Je me souviens être rentré entre Collo et Toulon, non
pas à la voile mais... au radar !
Voilà
et puis le temps a passé. J'ai moi-même tenté l'aventure. Non pas
de la Route du Rhum, mais de la restauration. Et sans arriver à la
cheville de la Petite Fontaine, je me suis inspiré de l'esprit de ce
lieu magique. Ma fontaine à moi ne déborda jamais ! Pourtant, si
c'était à refaire...
Et
voilà c'est tout. Dimanche je me suis décidé à retrouver ce coin
de référence de ma vie d'homme j'allais dire ordinaire, avec
peut-être un petit supplément d'âme et de loyauté. Rien n'a
vraiment changé. Julien, qui mène la troupe d'une demi-douzaine de
serveuses, a bien grandi. Il est magnifique comme dirait sa mère.
Nicole, justement, qui a quitté ses marmites mais poursuit sa carrière
d'artiste et de théâtre, ne fait plus que de brèves apparitions
pour venir embrasser ceux qu'elle aime. Pour Etienne c'est un peu
plus compliqué, parce que sa vie est là. Il ne peut guère se
passer de ce lieu qui est son phare à lui. Il y reçoit tout au long
de l'année des milliers de gens qui ont identifié Collobrières à
ce personnage robuste, entier et délicieusement nature. Et la Petite
Fontaine pourrait-elle se passer d'Etienne ?
Alors
ils sont crevés nos potes. Je sais l'incroyable défi qu'ils
relèvent depuis l'éternité. Et c'est à la fois un déchirement
d'imaginer qu'ils partent et une exigence que de rêver qu'ils
prennent, eux aussi, le large. Sous l'air léger des alizés...
Hissez haut, hasta luego amigos...
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