Uber,
lâche rien !
Il
ne faut rien exagérer. Un voyage en taxi, même sur 2 kilomètres,
n'est pas fatalement exécrable. Il revient en ma mémoire, un trajet
un peu plus long que d'ordinaire, à l'époque où le journal
remboursait encore le taxi à ses journalistes -à l'époque, aussi,
où il y avait des journalistes-. Le type avec lequel j'avais entamé
un semblant de conversation, se mit à me parler -intarissable- de
ses racines. Elles étaient du nord (mais c'était pas des endives)
et elles étaient profondes parce que ses aïeux étaient mineurs
et lui même, avait commencé par là, c'est à dire par le fond. Ça
parlait de tout et de l'essentiel, de toux et de grisou, de tradition
et de désindustrialisation. Je n'avais pas bien compris, mais ce
devait être profond...
Certes,
la bagnole était un peu tape-cul et le type s'exprimait dans un
mauvais anglais. C'était au Pays de Galles en 2007, lorsque après
avoir concédé un quart de finale face aux Black à Cardiff, Bernie
avait fermé la porte de l'hôtel du XV de France à double-tour.
C'était
le temps où un reporter de presse écrite régionale pouvait encore
partir une semaine pour suivre un événement sortant de l'ordinaire,
surtout s'il avait quelque chose à raconter. Je m'étais égaré
ainsi sur les traces de Richard Llewellyn et son puissant roman
Qu'elle était verte ma vallée, l'un des rares qu'il m'était
donné de lire... en entier !
Je
m'étais donc tapé 100 bornes et je crois me souvenir que la course
n'avait pas excédé les 30 livres. Soit une quarantaine d'euros,
soit moins cher que pour aller de la gare de Lyon à Roissy !
Mais
s'il ne s'agissait que du prix ! Avec ça, lorsque vous le tenez
enfin, le chauffeur vous affiche immédiatement son mépris en ne
vous disant ni bonjour, pas plus qu'il ne vous dira au revoir. Et si
par extraordinaire on tombe sur le tiers de l'espèce qui « cause »,
il va vous commenter l'actu avec la légèreté d'un pilon des
hauts-fourneaux ou d'un hachoir tombant sur une tête de veau chez un
tripier de Rungis. Avant, c'était les étrangers (arabes, noirs,
jaunes) qui en prenaient plein la gueule et le gouvernement, bien
sûr ! En principe on devrait désormais être épargné par
l'encyclique des facho-ffeurs car ils sont pour la plupart, arabes,
noirs ou jaunes. Mais c'est à croire qu'on leur implante un logiciel
commun, au point que l'on se demande parfois si le type du Sénégal
ne dit pas lui-même le plus grand mal des noirs...
Enfin,
pour ce qui est de l'analyse socio-économique, ils n'ont pas changé
depuis leur avènement dans les années soixante : les impôts,
les taxes, le prix du gazoil, les femmes qui ne savent pas conduire,
les politiciens (j'adore le : « de droite comme de
gauche ») tous pourris, les sénateurs qui se gavent, les juifs
qui sont aux commandes, les fonctionnaires qui foutent rien... Et si
le type, généralement aussi perspicace que le balai-brosse qui
traîne sans poil dans votre garage, connaît en plus les
franc-maçons, alors là, je vous dis pas les franc-maçons !
Bref on préfère celui qui se tait et qui fait semblant de ne pas
vous avoir entendu si vous osez l'importuner avec votre question...
Qu'il
ait débité un tas d'absurdités ou qu'il n'ait pas moufté, il va se
trémousser à la fin de la course, faisant mine de chercher dans le
fond de sa poche de falzar, une monnaie dont il espère bien que vous
lui suggérerez de la garder. Et ce n'est pas irrationnel. Parce que
quand vous voyez le prix qui s'affiche sur le compteur qui vient de
s'affoler, vous n'êtes plus à quelques euros près ! Et ce
noc, s'il le faut, il a des enfants...
Alors
je comprends qu'il soit en rogne, le taxi français. Qu'il retourne
des bagnoles qui lui sucent le sang, qu'il agresse des types qui
cherchent simplement à bouffer et se contenteraient des pourboires
de l'autre et qu'il vire manu militari les filles déjà installées
à l'arrière du véhicule mais qui ont osé faire appel au
conducteur de passage qui voulait bien les amener là où elle
voulait sans les enquiquiner.
Je
le comprends le taxi, parce que si ça continue le type d'Uber, là,
ou du VTC, il va venir te chercher là où tu as besoin, à l'heure
qui te convient. Il est foutu, le salaud, d'accepter de te cambouler
sur seulement 3 kms, de descendre, de t'ouvrir la porte et de te
sourire, avec ses trois pièces dans la main.
Mais
alors ce qui est magnifique quand même et c'est pas le pire des
angles de cette morale, c'est que ce sont les purs produits de la
société libérale, dont la seule vocation est de faire du pognon et
de médire de tous les fonctionnaires de la terre, qui s'offusquent
de la perte de leur monopole et de cet espèce de diktat qu'ils
infligent depuis trop longtemps aux gens pressés, aux noctambules
et parfois même aux paumés.
Bref,
il a raison mon taxi. Ce gouvernement, c'est une honte ! A sa
place, j'aurais laissé s'installer Uberpop et j'aurais même proposé
à son cousin d'Afrique de venir lui donner un coup de main...
Au
fait, j'ai un autre souvenir. Un soir d'hiver dans les années 2000,
j'étais piégé avec mon ami Yves à la sortie du Stade de France.
Il était une heure du mat' et le dernier RER avait filé. Nous avons
appelé tous les taxis de la capitale, pas un n'a répondu... Nous
sommes rentrés de Saint-Denis vers Paris à pince ! Joli trotte
par ce froid début de février pluvieux....
Allez,
Uber, lâche rien !
Jaco
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