dimanche 26 juillet 2015

Chronique du 27 juillet 2015

      Effet bœuf et vache sacrée      




Alors aujourd'hui attention, je marche sur des bœufs. Parce que, comme une majorité silencieuse de travailleurs urbains, d'artisans et citoyens en détresse sociale, j'ai été irrité par cette énième jacquerie, ce défilé de tracteurs agressifs, flippants même et pollueurs.

Cela m'ennuie de voir dériver cette campagne que j'aime tant. Celle de mon enfance. Ses odeurs de foin fraîchement coupé, ses rumeurs de blés mûrs murmurant au vent sec d'un début d'été, ses meuglements vespéraux quand le troupeau se rassemble autour du point d'eau...

Lorsque j'arpentais à pied, à vélo -mais hélas jamais à cheval- mes chers coteaux tarnais, je ressentais tout ça intensément, je me sentais profondément, viscéralement paysan. Et le suis resté.

Je les admire et les envie ceux qui se lèvent tôt pour traire leurs vaches, extraire leurs veaux et travailler dur pour le plaisir, comme on milite, comme on défend une cause, une qualité de vie. Une vie tout court. Ils n'ont jamais gagné des fortunes mes paysans à moi. Mais ils n'ont jamais bloqué autre chose qu'une petite route sinueuse en remontant au pas, leur remorque débordant -ou pas- de leurs récoltes. Les miens ont même inventé l'expression « être sur la paille ».

Bien avant mes chères aubracs, les vaches je les connaissais toutes, les belles normandes laitières, les limousines et les blondes d'aquitaine. Maman en ramenait d'ailleurs quelques belles tranches à la maison, car évidemment le boucher n'allait pas se servir en Allemagne... C'était divin, car c'est toujours mieux de manger ce qu'on aime, surtout si c'est votre jolie voisine !

Alors certes, il y a mes paysans à moi, béret noir qu'ils n'enlèvent que pour se coucher et se curent les dents avec l'opinel à tout faire. Et puis il y a les agriculteurs. Les éleveurs. Ceux qui passent plus de temps au bureau avec la calculette et en réunion syndicale que dans l'étable. Ceux qui comptent leurs têtes de bétail par centaines. Ceux qui roulent en gros matos Ford, Class ou Deutz (et qui là, oublient de consommer français !). Ceux qui génèrent des sommes indécentes dans l'agroalimentaire en important à tour de bras...

Ce monde agricole, qui depuis les années soixante nous casse les oreilles avec l'Europe, la PAC et se gave de subventions pour tout et n'importe quoi. Il fait chaud, on indemnise. Il pleut, on indemnise. Il grêle, on indemnise. Il fait froid, on indemnise. Demandez donc à l'ouvrier de Moselle, à l'artisan des Alpes, au restaurateur de Toulon... si on le rembourse quand la météo et les affaires ne sont pas bonnes ? Demandez aux chômeurs de partout...

Ce monde agricole, nullement révolutionnaire mais totalement factieux, qui prétend diriger le pays en éventrant des camions frigorifiques et en brûlant des pneus (excellent pour l'environnement qu'ils sont censés défendre). Ce monde agricole consanguin qui prolifère dans ce nord-ouest et dont il faudrait couper le nez de la Normandie à la Vendée, avec ses cochons et ses bonnets rouges, pour le séparer du pays comme une vulgaire Corse. Et encore, on constate combien il est difficile de se débarrasser de la Corse ! Laquelle s'apprête à exiger des indemnités folles, pour ses oliviers malades et dont elle déclarera le triple de ce qu'elle possède. Ce monde agricole qui croit que tout lui est dû sous prétexte qu'il est bien du pays et critique sans cesse les fonctionnaires alors qu'il en a de plus en plus la mentalité. Ce monde agricole qui incarne plus que jamais un poujadisme détestable, une lutte sectaire, égoïste et cupide. Droitière. Ce monde agricole qui se prend pour un autre et convoque un ministre comme un vulgaire larbin et menace d'asphyxier le pays.

Ah ben merde alors ! A quoi ça sert d'avoir choisi une armoire à glace, un déménageur, une deuxième-ligne, un vrai paysan en somme, à la tête du ministère de l'agriculture, si c'est pour se rendre à la première injonction en baissant la crinière comme un vieux lion édenté de cirque.

Moi, si j'avais eu la carrure de Le Foll, en guise de négociation, je te leur aurais tiré deux torgnoles aux types de la FNSEA, à commencer par leur boss, le richissime, celui qui s'engraisse sur le dos de ses camarades syndiqués. Et puis tous les autres pseudo-syndicalistes, les roquets de la Manche et du Calvados.

C'est qu'il nous emmerde à se tromper sans cesse de cible. Je suis d'accord, y en a des tonnes de lisier à déverser ! Mais je vais vous dire où. Devant le Kremlin où le dictateur Poutine affame son peuple en bloquant les importations d'entrecôtes pour cause de boycott. A la Bundestag qui nous expédie, à jet continu, leur merde de volkswagen, d'audi et leurs carcasses de grosses laitières fabriquées et élevées par une main d’œuvre de misère. Dans les couloirs des rédactions des magazines féministes qui imposent à leurs lectrices depuis des années, l'idée que bouffer de la viande c'est mauvais pour tout et la culotte de cheval ! Alors certes ceux qui cultivent la salade et font pousser des graines se frottent les paluches, mais ils ont qu'à s'entendre avec les éleveurs pour partager le pécule ainsi généré par ces toubibs et diététiciens illuminés à la « mords-moi le bœuf ».

De toute façon le problème de l'agriculture en France c'est qu'elle attend tout des autres. Alors que la solution est dans sa poche. Il lui suffit de mutualiser ses revenus. Si les géants de l'agro-alimentaire, les céréaliers, les gros producteurs étaient solidaires des petits, si chacun reversait une partie de ses énormes profits dans un pot commun, on n'entendrait plus les agriculteurs se plaindre qu'ils crèvent de faim. Si vous voulez, celui qui gagne énormément dans la Beauce, aiderait celui qui peine terriblement dans la Creuse !!!  Chacun aurait son salaire minimum. Et des millions de gens vivent en France avec le SMIC. Dans le monde, ce sont des milliards de personnes qui se contenteraient ne serait-ce que de la moitié, d'un bon steak tous les mois et de vivre à la campagne.

Pourtant ces milliards-là, ne convoquent pas les ministres et ne manifestent pas les fourches à la main. Heureusement ! Car, à la FNSEA, ils pourraient se faire du souci. Pour de bon... 
Jaco 

































Awa, c'est toi ?

Nous assistions - mazette ! - à un dîner-jazz, rue de Charonne, avec le trio d'un dénommé Ben Toury. Un fou furieux qui joue du piano à l'envers et avale plusieurs kilomètres d'harmonica dans la soirée. Je préfère quand même le soft-jazz façon New-Orléans et les longs gémissements d'un saxo ou les cordes virtuoses d'un Django, mais c'était quand même consistant.

Ce qui me mit en arrêt, ce n'est pas le gentil minois du jeune Toury -contrairement à la Marie-, c'est sur Awa que mon regard s'est figé. Comme dans un rêve -et parfois un cauchemar les vendredis soirs de mai par exemple- j'ai revu notre belle sénégalaise, ses petites fossettes rieuses et cette ondulation de classe.

Elle était là, tout près de nous, émouvante de ressemblance et de souvenirs. Alors je n'ai pu résister. Je me suis levé, l'ai abordée quitte à me faire écharper par un de ses condisciples sur les dents. Je lui ai demandé si elle ne s'appelait pas Diop ou Fall. Elle m'a dit non. Mais elle se prénommait bien Awa et venait aussi de Dakar...

Encore une sorte de miracle que Count Basie ou Dizzy Gillespie auraient pu mettre en mélodie langoureuse...


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