Exact,
la santé est en danger !
LA dernière fois que j'ai été malade, mon docteur était en grève.
Je me suis vidé deux jours de plus, j'ai bouffé du riz, des
carottes. Je n'ai pas avancé le tiers payant, ni les deux autres
tiers d'ailleurs...
S'il
n'y avait pas tant de gens qui ont à tout prix besoin de leur toubib
pour leur prescrire leurs arrêts maladie, je proposerais bien de
faire la grève des « patients ». On resterait tous chez
nous avec nos rhumes et nos coliques et mon vieux, tu peux pas savoir
à quelle allure elle se renflouerait, la caisse maladie. Au passage,
je sais pas si vous avez remarqué mais depuis la mi-décembre ils
ont pas beaucoup travaillé nos carabins. Bon là, pour le moment ça
va, ils sont à Megève, à Isola 2000 (pour les généralistes de
village) mais d'ici quelques semaines ils vont commencer à
s'emmerder ferme. Heureusement, il leur restera encore la plongée
dans les barrières de corail aux Maldives...
Il
n'empêche que s'ils sont vraiment soucieux du lendemain, pour le
présent ça doit encore passer. Parce que moi, quand je faisais
grève trois jours je commençais à penser aux gros yeux que mon
banquier ne manquerait pas de m'adresser. Eux au bout de trois mois,
ils restent imperturbables... En même temps y a de quoi. Vous en
connaissez beaucoup vous des professions où l'on rembourse les
prestations. Si les restaurateurs pouvaient prendre la carte vitale
il ne la refuseraient pas. Il y aurait certes plus de gros mangeurs
mais... moins de malades !
Bon,
vous trouvez que je suis un peu tendu sur le sujet ? Non, vraiment à
peine...
Le
mien -de docteur- lorsque nous avons fait le bilan de mes petits
ennuis, fut d'accord pour constater que les cinq ans passés debout
sans bouger, mais à m'énerver derrière les casseroles, m'avait
fait le plus grand mal. Alors avec mes 40 centimètres d'artère en
moins, je lui ai suggéré que je pourrais peut-être demander à la
sécu une « incapacité professionnelle ». C'est alors
qu'il me tança : « Mais non, pourquoi vous voulez demander ça
? De toute façon vous n'y aurez pas droit... »
Et
c'est tout juste si ce sermonneur hypocrite ne m'excommunia pas au
nom d'Hippocrate. C'est pourtant le même qui, il y a une petite
année, alors que je m'étonnais que sa profession délivre autant
d'arrêts maladie bidons, m'assurait qu'il ne pouvait pas faire
autrement, car si lui ne les signait pas, d'autres le feraient !!!
Belle mentalité.
De
toute façon, il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour deviner
-au même titre que les notaires- que s'il y a encore des toubibs, ce
n'est pas pour sauver les hommes, mais pour se gaver sur leur santé
précaire. Et ceux-là, bon sang, ils se gavent ! Surveillez un parking
de centre médical et choisissez : entre la porsche cayenne, l'audi
Q7 et la bmw X6 , vous mesurez à quel point la profession est en
souffrance.
Mais
la vie n'est pas rose tous les jours. Car après le golf, les dîners
au champagne et les soirées à l'Opéra, il faut se coucher. Bon
généralement ils sont plutôt mieux accompagnés jusque dans leur
lit, que le sous-chef de bureau de l'assurance maladie... Mais là
n'est pas la question. Ensuite, il s'agit de dormir... Et vous croyez
que c'est drôle de vous réveiller en nage ? Quand un sournois
cauchemar vient de vous laisser craindre qu'un jour, qui sait, un
patient, un pauvre diable sortirait de votre cabinet sans payer un
kopeck ? Que les soins seraient gratuits ! Qu'il présenterait sa
carte vitale à la place d'une billet de cinquante... Et comment on
fait du black avec une carte vitale, hein ? C'est ça, vous voulez
nous ruiner ? Et pourquoi pas nous faire payer des impôts tant que
vous y êtes ? Mais dans quel pays vit-on ?
Et
pourquoi pas , tant qu'elle y est, la Marisol, étatiser la médecine,
réglementer les salaires des toubibs et les rendre plus disponibles
? Ben voyons ! et après on leur demanderait même de nous guérir,
c'est ça ? Communistes va !
Ce
qu'ils craignent encore et par dessus tout ce sont les hôpitaux. Je
dis encore, car leurs grands amis de droite (au nom desquels ils
manifestaient massivement dimanche) ont, ces dernières années, bien
fracassé l'hôpital public. Ces grandes structures où tout le
monde est logé, traité et éventuellement soigné à la même
enseigne.
Ce
qu'ils redoutent les « révolutionnaires » en blouses
blanches du 15 mars , c'est l'égalité et ce suprême gros mot : la
gratuité. Car c'est à croire que nos vieux médecins de campagne,
qui roulaient en 4L et se levaient tôt, ne faisant -au passage-
payer que les riches, ont tous disparu sans penser à se
reproduire...
Et
pourtant qu'est-ce qu'ils étaient beaux sous leurs capotes, par
n'importe quel temps avec leur sacoche gonflée d'improbables
ustensiles dont ils n'avaient d'usage que pour vous donner l'illusion
d'une quelconque efficience. Le stéthoscope, le petit marteau pour
les réflexes et l'entonnoir qui vous défonçait les oreilles.
Avant
cela il y avait eu les saignées et la couleur des urines... Ce
n'était pas mieux, mais ils ne vous faisaient pas chier... Sinon en
cas extrême de constipation...
Ils
prenaient un café, une goutte de gnôle, ils vous écoutaient,
parfois même ils vous aimaient. Un docteur, avant d'être un
patricien, c'était un humaniste...
Alors
je sais bien ils ne sont pas tous dépourvus de conscience sociale,
ils n'ont pas tous échoué dans cette impudence libérale qui est
sur le point de défigurer notre vieille patrie des Droits de l'Homme, celle
de Voltaire, Robespierre et Hugo.
Mais
le « Mouvement santé pour tous » (ça ne vous rappelle
rien ???), qui réunit une quarantaine de syndicats, hume fort le
factieux et donne à penser que ces nantis sont définitivement
coupés de ceux auprès desquels ils devraient être aux petits soins.
Ils appelaient à « durcir le mouvement » ces
barjots, face à « la surdité » de la ministre
de la santé, Marisol Touraine. Hé bien, qu'ils lui envoient plutôt
un ORL...
Jaco
1)
Lorsque j'étais gamin je voulais être docteur. J'exerçais avec
brio auprès de mes petites cousines... Puis j'ai perdu la vocation
dés qu'il a fallu apprendre à compter !
2)
Je dédie cette chronique à mes copains en blouse blanche que
j'aime. Et à ceux que je ne connais pas, mais qui dans les hôpitaux
publics ou dans leur cabinet, préfèrent soigner les âmes que de
faire de la politique...Ou, quand ils en font, comme l'ancien pédiatre et Maire de Clichy, Claude Dilain, poursuivent leur mission au service de l'humanité.
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