Evasion
manquée !
Vous
savez, j'ai beau dire, je suis quand même content d'être là. Mars, avril et
mai, on appelle ça le printemps je crois, est la saison privilégiée
sur la côte varoise. On y mesure toute la douceur de vivre, on la
savoure et parfois, c'est bien le problème, on l'érige en priorité,
en condition, en nécessité absolue.
Quand
je parle, de problème, je parle du mien. De cette incapacité à
partager, à concevoir même, cette « philosophie » qui
consiste à dire -mais pire parfois à le penser- que s'il fait beau
et que la paye tombe, tout le reste n'a strictement plus la moindre
importance. J'aurais pu ajouter « si le RCT gagne ! »
mais là, pour de bon, je m'en suis lassé...
Cela
compose, à mon grand désarroi, cette population pourtant disparate,
mais terriblement soudée dans la superficialité, qui ne se
reconnaît que dans l'astre solaire et ne se préoccupe que de lui.
L'autochtone s'y identifie au point de se croire rayonnant. Bronzé,
toujours à la pointe de la mode, dans l'audi aux vitres fumées, les
ray-bans légèrement tombantes sur le nez pour mater les nanas et
laisser s'échapper vers elles un oeil de velours. Ou, si c'est une
femme, les lunettes noires bien remontées pour faire semblant de ne
rien remarquer, le cul bien coincé dans le 4X4.
Bref,
j'aime bien le soleil aussi, dommage qu'il y ait tant de snocs qui
tournent autour. D'autant que le froid et la pluie, les nuages et la
foudre sont tout aussi admirables, en tout cas estimables.
Mais
où voulais-je en venir ? Ah oui, je suis content d'être là. Mon
épouse fait le plein de vitamine D, profite de ses enfants, petits
enfants. Et j'en fais de même avec le plus vif plaisir...
Mais je serais quand même mieux là-haut. A 1200 mètres, où on se pèle encore abondamment le jonc, qui d'ailleurs est tout riquiqui sous la couche de glace. Sérieux, il fait encore vraiment frisquet la nuit - même le jour- et il va sûrement encore bien pleuvoir et qui sait (?) reneiger. A Nasbinals où il y a moins de soleil à cette époque-ci, mais aussi, mécaniquement, beaucoup moins de snoc.
Mais je serais quand même mieux là-haut. A 1200 mètres, où on se pèle encore abondamment le jonc, qui d'ailleurs est tout riquiqui sous la couche de glace. Sérieux, il fait encore vraiment frisquet la nuit - même le jour- et il va sûrement encore bien pleuvoir et qui sait (?) reneiger. A Nasbinals où il y a moins de soleil à cette époque-ci, mais aussi, mécaniquement, beaucoup moins de snoc.
Cette
année était sacrifiée, mais ne je n'imaginais pas qu'en 2016
j'aurais encore à prendre la peine de faire croire que j'étais
content d'être là. Nous avions, pour poser la première pierre du
buron, juste à vendre notre maison de Cuers. Une formalité. Car, à
part des murs d'un mètre et un toit de lauzes, elle a tout. Elle est
spacieuse, sobre et confortable, au calme total, loin des voisins qui
gueulent et des voies de circulation qui puent, polluent et
pullulent.
En
pleine nature, mais à cinq minutes à pieds du centre du village. A
vingt deux bornes de Toulon, de Hyères, de la mer et même de
Brignoles, c'est dire ! Et puis, chose exceptionnelle à cet endroit,
un terrain de 1000 mètres, plus 500 mètres de zone verte dont on a
la jouïssance et un petit ruisseau qui passe en lisière, descendant
tranquillement des barres de Cuers toutes proches. Un ruisseau
parfaitement inoffensif et dans lequel on pêche vairons et gardons à
la fin du printemps...
Sans
doute imaginez-vous, de bon droit d'ailleurs, que tous les acheteurs
putatifs de la périphérie se sont rués vers nous, nous bousculant
au passage et à l'occasion pour entrer les premiers. Que nenni !
nous n'avons pas mis la piscine... Vous vous rendez compte ! Et en
plus y a le ruisseau...
Oui
parce que s'ils n'ont pas un truc carré, bleu fluo bourré chlore et
autres produits chimiques, ils n'aiment pas l'eau. Ils en ont même
carrément peur ! Bouhh vous êtes en zone inondable !!! Ben, comme
tous ceux qui vivent non loin d'un ruisseau, d'un fleuve, d'une mer
ou d'un océan. Ce qui représente quand même plusieurs millions de
gens qui ne se réveillent pas à quatre heures du matin en train de
flotter sur leur lit, voguant vers les côtes africaines ou les
bouches d'égout.
Le
Meige Pan ça fait longtemps qu'il serpente sur sept kilomètres,
alimenté de sources et de ruisselets. Bien avant peut-être l'arche
de Noé, le déluge et le radeau de la Méduse. Et il n'a jamais
débordé. Il n'y a même jamais pensé...
Mais
non, ouh là là là, avec toutes ces inondations !
Donc
plutôt que de profiter d'un superbe ruisseau paisible et inoffensif,
ils préfèrent aller investir en s'accoudant, pour le même prix, à
l'autoroute -parfois en stéréophonie avec la voie ferrée-.
Remarquez c'est commode pour étouffer le bruit des morpions qui
braillent en plongeant dans les 50 m3 de flotte javellisée ; pour
diluer les sons de télévisions, de musiques indigestes et de
discussions débiles qui s'échappent des fenêtres et des jardinets
des six voisins qui ont construit a peu prés sur le même lopin de
terre...
C'est
embêtant. Les gens craignent davantage la douce mélodie d'un joli
filet d'eau qui défile en désordre dans le lit douillet d'un
ruisseau, que le flot de bêtise qui déferle en permanence du
voisinage. Je m'en moquerais bien une dernière fois, si cela ne
constituait par un nouvel obstacle à ma tentative d'évasion...
Jaco
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