lundi 27 avril 2015

Chronique d'humour du 27 avril 2015

      Les vaches ou Beyoncé ?      




CETTE semaine encore, ma jeune belle-soeur demandait à la sienne -de soeur, la plus vieille- qui se trouve être la mienne -de femme- (mais c'est dans les vieux pots...), si elle ne redoutait pas d'aller se perdre au fin fond de l'Aubrac (!) ?

Je crains que ce ne soit pas la dernière -fois qu'on lui pose la question- ! Et en plus, elle a dit ça avec des accents profonds, déchirants même, de sincérité : « tu es sûre que c'est vraiment ce que tu veux ? » l'interrogera-t-elle sur ce ton éternel, indémodable des soaps américains des années quatre-vingt dix, remastorisés à la sauce marseillaise, dans l'émission phare de FR3, Plus belle la vie, ce produit sidérant de l'intelligence créative.

J'aime beaucoup ma belle-soeur, depuis toujours et ce, malgré la fascination qu'exerce sur elle cet espèce de mélodiste à deux balles qui à fait des restos du coeur, une table étoilée pour le restant de ses jours. Elle lui demanda cela avec la même gravité que si elle avait décidé de rentrer dans les ordres, ou d'entamer une carrière à la police municipale de Saint-Tropez, sous l'autorité de l'adjudant chef Cruchot.

Bien qu'ayant passé la quarantaine cette célibataire endurcie mais érudite -elle renforça sa culture générale et ses lettres classiques dans les catalogues des 3 Suisses- s'étonne que l'on puisse vivre à moins de vingt mètres d'un magasin de prêt à porter et d'un salon de coiffure... Dans mon élan j'ai failli, me mêlant d'une conversation qui ne m'était pas destinée, lui rappeler que désormais avec internet on pouvait vivre au bout du monde comme sur la place Wilson à Toulouse et que l'on pouvait même trouver en ligne, les fameux 3 Suisses.

Mais ce que ma prévenante belle-soeur tenait à mettre dans la balance d'une telle mise à l'index, c'est l'absence de rapports humains. C'est vrai que là-haut, même les hommes sont des bêtes. Et que rien de dépasse dans l'absolu et le sublime, une conversation de fond avec une vendeuse de produits cosmétiques et une bonne soirée acide et fumeuse dans une boite de nuit du département du Tarn dont on sait à quel point il est bien plus évolué que ces dégénérés de Lozériens...

Si cette conversation m'avait un tant soi peu concerné, j'aurais ajouté qu'on ne devait pas forcément moins bien s'amuser à La Rosée du matin qu'au Bakardy, à LesKale ou au Bimbo jet ! S'amuser étant de ces vocables génériques et sans fond qui peuvent tout aussi bien signifier boire, danser, fumer, se droguer, baiser et... se faire chier sans même s'en rendre compte !

Non, je l'aime beaucoup la soeur cadette de mon « vieux clou » et je ne peux décemment lui reprocher d'avoir tout tenté pour la secourir avant qu'elle ne soit définitivement exclue, mise au ban de la société évoluée et tellement attrayante, je devrais dire... brillantissime.

Je disais qu'elle n'était sans doute pas la seule à décréter qu'un départ à Nasbinals, au fin fond de la Lozère, constituait un douloureux exil sans retour, ni lendemain. Un enterrement vivant. Une lapidation morale. Une fin brutale quoi que pouvant s'éterniser, d'ennui en sourdes souffrances.

Je ne peux m'en étonner et j'en attends encore, lorsque je sais combien une écrasante majorité de notre bon peuple est incapable de contempler un ciel d'orage, un vol d'oiseaux de passage, l'éclosion d'une grappe de fleurs. D'ouvrir un livre... Et qui préfère ralentir sur la voie opposée pour admirer de prés un bel accident, regarder un match de foot ou une émission de dégénérés qui cuisinent, chantent ou courent, mais qui feraient sans doute aussi bien s'ils interchangeaient leurs spécialités.

Je ne suis pas surpris que cette solitude effare lorsqu'ils sont en recherche permanente de voisins à qui coller, de queues de bagnoles vers les supermarchés, de queues de caddy au supermarché, de queues de supporters à la porte des stades, des queues, des queues, rien que des queues. Vous savez où ils peuvent se les mettre...

Pas plus que je ne trouve étrange que le silence à ce point les effraie. Eux qui écoutent RMC à tue-tête, the voice en liquette et racontent leur vie trépidante souvent en boucle et puis évidemment celle d'untel, sans oublier les aventures d'icelui et derechef...

Alors pardi, je ne sais pas si elle m'accompagnera volontiers mon épouse qui découvrit le plateau d'Aubrac, apparemment sans trop s'en lasser, en 1977 ! Mais ce qui est avéré, irréversible, inaltérable, c'est que moi... j'y monte. Ne serait-ce que pour ne plus subir les cours de philo de la coiffeuse et les agressions de Beyoncé par la fenêtre des voisins et du Pilou-pilou, les soirs de grand mistral.

A Nasbinals, je n'ai jamais rien entendu de plus beau que le chant du silence, les aphorismes de la brise et les sobres déclarations de vaches inspirées. Et si jamais quelqu'un me manque, je prendrai la voiture, l'avion, le train. Ou je lui écrirai... Les snoc ne sont pas encore montés, mais l'ADSL... si !

Jaco 



 

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