Je
ne crois pas en Dieu. Je n'ai pas cette chance et le regrette. C'est
toute la poésie ambiguë que je partage avec le grand Brassens. Je
venais d'écrire « maître Brassens » mais me suis
ravisé. Histoire de ne pas mettre en rogne le grand Ferré.
Brassens,
ce type merveilleux qui m'aurait assuré qu'il n'a rien de plus grand
que moi, à part peut-être la taille et s'en serait d'ailleurs...
excusé !
De
la religion, je n'ai presque retenu que les côtés sombres.
Sinistres. Pêle-mêle et en totales contradictions : des
inquisiteurs, des donneurs d'ordres et de leçons, des collabos, des
pédophiles, des gens qui ne pensent qu'à leur pognon. Tous ceux qui
vivent dans la foi la plus profonde mais n'en respectent aucun
précepte. Ceux qui prêchent la tolérance mais vous tiennent à
l'écart, vous excluent si vous n'êtes pas de leur délire. Ceux qui
cultivent l'ignorance, condamnent l'humour, le bien être...
Puis,
chemin faisant, il y eut Saint-Jacques, le bien prénommé. Et puis
François, celui qui a fait péter la papauté. Mais avant eux, il y
eut ma maman. Certes elle n'a pas pu m'entraîner dans ses chimères ;
ces illusions qui vous changent le cours de la vie et vous entraîne
dans une vision parallèle et biaisée du monde. Mais ce que je
reconnais en elle, c'est qu'elle l'a fait sans malice, sans trop
déroger non plus et qu'elle a toujours porté sur le monde, comme
sur son proche environnement, un regard humain et bienveillant.
Le
Pape, c'est encore autre chose. Un évêque probablement élu dans un
grand malentendu et finalement bien plus résistant aux poisons que
ses prédécesseurs prématurément rappelés à leur Père. Ce type
est formidable. Il appelle à toutes les formes de respect. Il fait
sincère. Je crois (enfin, je crois … c'est un miracle !!!) qu'il
est sincère. Respect de la planète, respect de l'homosexualité,
respect des différences, toutes les différences. Respect d'abord du
genre humain. Relisez le discours de la Paz :
"Les êtres humains ne doivent pas être au service de l'argent.
Cette économie tue ! Cette économie détruit ! Elle détruit la
Terre-Mère...
Quand
l'avidité pour l'argent oriente tout le système socio-économique,
cela ruine la société, condamne l'homme, le transforme en esclave."
Viens
ici, François, que je t'embrasse...
Enfin
donc le chemin de Saint-Jacques - sur lequel je n'ai pas encore
effectué d'enquête de moralité - qui me conduit, non vers Dieu
mais une forme de spiritualité que je veux bien partager avec
quelques belles fesses de pèlerines dans leur petits shorts
estivaux ! Mais non, je blague... Il faut quand même que je
vous emmène vers ma reconversion en plusieurs étapes !
Mais
si Dieu n'est jamais loin, s'il nous les brise avec ses différents
visages -suivant qu'il sort de l'église, de la mosquée ou de la
synagogue- ce qui compte sur ce chemin, c'est d'abord les émotions
qu'il transporte. Par un foisonnement floral qui, six mois durant
vous envoûte et vous stimule ; par un frémissement de naseaux
des vaches d'un beige sombre et pur, qui parsèment le plateau ;
par un défilement de ces pierres granitiques ou volcaniques
hérissées de piquets qui ourlent délicatement l'espace lumineux ;
par un frissonnement de gentiane voûtées par le marin ou la
traverse ; par un étincellement de neige projetée par l'écir.
Qui
s'étonnerait alors, que la partie qui sillonne l'Aubrac soit
inscrite sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO ? Ce ne
sont certes que 45 kilomètres, mais ce sont ceux qu'aucun des
pèlerins ne peut oublier. C'est aussi en cela toute la richesse
potentielle de Nasbinals. On l'emprunte par le GR 65, on s'y endort
dans la plus parfaite sérénité et on le quitte à regret en se
jurant d'y revenir séjourner...
Alors
c'est ça la réalité du chemin. Qu'ils soient croyants ou qu'ils
fassent semblant, qu'ils écument les églises ou les verres de bière
au comptoir de Bastide, ces gens sont en paix avec leur âme et donc
avec les autres. Ils ne roulent pas en audi (ils auraient sans doute
honte des quatre zéros sur la calandre), mais avec une simple
coquille accrochée au sac à dos. Certains sont épuisés, mais
enchantés ; d'autres ont même l'air un peu « ravis »...
Peu importe. Ils ne courent pas, n'insultent pas, ne toisent pas. Ils
disent bonjour, au revoir, ils aiment tout le monde, ils n'emmerdent
personne...
Je
ne finirai pas sans préciser que si je vénère ce chemin à
Nasbinals, ce n'est pas parce qu'il passe juste à côté de mon
terrain. Ou peut-être un jour s'ajoutera une belle maison d'hôtes.
Je ne partagerai jamais le commerce des avides. Je préférerai
encore marcher à vide...
Sant
Jaco
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