JE vois arriver le moment d’ouvrir ce blog,
d’alimenter ma chronique avec une appréhension certaine. Habituellement je
l’ouvre d’un trait de plume léger, désinvolte et éloigné des principaux
tourments de la vie.

Ce matin je suis rentré de Graulhet pour retrouver
mes enfants à Cuers et j’ai eu à subir
la loi des amis de mme Perrichon qui ont
pris le parti de rouler dix kilomètres heure en dessous de celle
autorisée ; qui s’arrêtent aux carrefours en confondant une simple
priorité avec un stop ; qui ne démarrent pas au feu vert ; qui
attendent d’être à la borne de péage pour chercher la carte bleue et
l’introduire enfin prudemment, puis qui rangent leur reçu et leur
« visa » avant de redémarrer sans se presser ; qui ne
connaissent sur l’autoroute que la voie du milieu quelle que soit leur vitesse,
même si celle de droite est libre ; qui vous rongent les nerfs et abusent
de votre temps sous prétexte qu’ils n’ont rien à faire ni d’eux même , ni
encore moins de vous …Mais je m’en fous.
Cet après-midi je suis resté prostré devant la
télé à regarder un match de rugby avec
des Français qui pratiquent un autre jeu que celui dans lequel je suis tombé
tout petit et qui ne contenait pas de potion magique. C’est stérile, débile,
sans foi, ni joie, ni jeu ; ce n’est plus mon rugby. Mais je m’en fous.
C’est que durant quelques heures de plus, je me
suis posé aux côtés de mes vieux parents. « Vieux » est quand même le
mot, même si maman me le reprochait souvent. Parce que papa vient d’atteindre
les 90 ans. Avec certes quelques perspectives de jouer les prolongations comme
sa propre mère et sa cousine qui fut longtemps la doyenne du canton avec ses
104 printemps. Je le lui souhaite, bien sûr et je serai son premier supporter.
S’il garde, comme Suzanne, cette forme, cette force, ce pétillement de l’œil et
ce sourire à la vie.
Maman ne va pas fort et connaît, elle qui l’avait
pourtant refusée, les affres de cette vieillesse naufragée et fatalement sans
retour. Alors moi qui la connaît si bien, j’ai la certitude qu’elle en souffre.
De cette douleur toute intérieure que
n’apaisera jamais un antalgique.
Un antalgique, peut-être ! Mais Martine,
Céline, Jean-Claude, Bernard… oui !
Qui sont-ils ces prénoms communs, quelconques et
pourtant si familiers ? Ils sont ceux sans lesquels je ne vivrais plus. Ceux qui, bénévolement
parfois, pour une poignée d’euro tout au plus, se lèvent le matin et n’ont
qu’une idée en tête ; rendre service. Ceux qui , sans qu’on le leur
demande, sans forcément qu’on en ait
besoin, sont toujours là. Parce que leur gratification à eux se trouve… ben té
pardi : dans la gratitude.
Aider pour aider. Aimer l’autre. Loin des chapelles et des intérêts, être là pour celui qui en a besoin. J’ai vu des voisins, des
aides ménagères, bousculer leur emploi du temps, condamner leur dimanche, parce
qu’il faut changer les draps, démonter un lit, tenir compagnie. Des infirmiers
sacrifier aux tâches les plus ingrates sans se soucier de savoir si c’est à eux
de le faire. Le faire simplement parce que c’est nécessaire.
C’est un lit sec, c’est du linge propre, c’est du
temps passé ; ce sont des regards échangés, des baisers offerts, un bras
tendu ; c’est de la compassion, de
la générosité, de l’humanité.
Durant cette semaine, sans même parler de ces patrons
en parachutes de milliards, sans faire l’honneur de mon dégoût à ces pilotes
surpayés, j’avais surtout vu des types se préoccuper de leurs baraques,
de leurs salaires, de leurs vacances.
Et puis en quelques heures j’ai partagé le
quotidien de ceux qui, plein de sollicitude, de bienveillance roulent avec de
toutes petites bagnoles et habitent de bien modestes appartements. Parce que
aider les autres, alléger les
souffrances, combattre la solitude et la douleur, partager
charitablement les destins les plus sombres, ce n’est pas un plan de
carrière. Ce n’est jamais salué, valorisé, surexposé. Jamais payé. Pour cela,
il faut faire tout le contraire : du business, de la spéculation, des
« affaires »…
Et là, je ne m’en fous pas !
Jaco
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